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05 juillet 2022

Rafael Riqueni vu par Serge Airoldi

33e édition

L’écrivain Serge Airoldi a assisté au récital de Rafael Riqueni, samedi 2 juillet au théâtre Le Molière. Il raconte ce concert historique, qui a ému aux larmes.

RR

RR comme Rafael Riqueni. 

RR comme Rolls Royce. Modèle Phantom, Black Badge, Wraith, Ghost. Tous les autres. Celui qu’on voudra.

RR comme guitaRRa.

Samedi 2 juillet 2022. 17h17. Le moteur s’est allumé. Pas de bruits intempestifs. Pas de fariboles mécaniques, d’effets de volants, de pneus qui crissent. Seul un souffle et une vibration. Une musique tombée d’on ne sait quelle âme. Celle de Rafael jouant, sur sa Mariano Conde, de ses cordes sensibles comme le peintre Raphaël murmurait le meilleur à ses couleurs et à ses pinceaux pour créer Le triomphe de Galatée, Saint-Georges et le Dragon ou La Dame à la licorne.

17h17 et un temps s’est dilaté pour qu’une heure et vingt minutes plus tard, deux rappels sublimes, quelques muchas gracias sortis de la bouche du Sévillan comme d’une grotte, un sortilège ait opéré. Celui de la musicada callada, de la soledad sonora – la musique qui s’est tue, la solitude sonore – dont Saint Jean de la Croix assurait qu’elles entraient dans l’Un de la noche sosegada, los levantes de la aurora et la cena que recrea y enamora – la nuit apaisée, l’éveil de l’aurore, la cène qui réjouit et énamoure.

Rafael n’est pas un mystique mais sa musique mystifie.

Rafael n’est pas un saint mais nous aimons toutes ses autres qualités et d’ailleurs nous ne connaissons pas de saints. 

Rafael n’est pas flamenco. Il est flamenco & tout le reste. 

Tout le reste se nourrit des fragrances de la musique classique, le RRépertoire, - intégré, absorbé, vécu comme un grand amour - de mélodies populaires qu’on dirait parfois napolitaines, des bribes de partitions comme venues d’un western dont il est fan, tourné vers Alméria. Qui sait quoi encore. Tout. L’universel moins les murs.

Tendresse, mélancolie, douceur. Cristal de la guitare. De ce cristal qui fit les chefs d’œuvres du torero Antoñete, grand fumeur, grand brûleur des jours, grand connaisseur, comme Rafael, de la vida tombola. 

Sa guitare n’est pas un simple instrument mais une forme de téléphonie sans fil avec le divin, l’idée que l’on peut se faire, ici-bas, chacun à sa manière, de toutes ces questions hautes.

Samedi 2 juillet 2022, vers 18h40 – mais alors, quelle importance que l’heure, la montre, la pendule, feue l’horloge parlante ? - Rafael Riqueni a laissé tout son monde réuni au théâtre de Mont-de-Marsan, sans voix, seulement avec des larmes sur les joues, dans la gorge, des hourras dans les cris et un immense bonheur dans le cœur.

Certainement cela faisait-il des années que le musicien n’avait pas atteint cette intensité artistique, ce bonheur d’interpréter sa musique, seul en scène, sur une chaise noire, dans un décor noir, vêtu d’une chemise blanche et protégé du monde par sa barbe de Père Noël. Le-blanc-le-noir, comme un résumé de ce qui invente l’essentiel pour arpenter, le plus léger possible, l’éternel chemin du fond.

C’était le récital de clôture du 33e Festival Arte Flamenco. Il demeurera comme quelques autres fondations superbes de cette manifestation. Quelque chose cousin du talisman. Ce remède tout puissant. La vie en mieux.

Serge Airoldi, 4 juillet 2022

Rafael Riqueni dans l'objectif d'Olivier Deck

 

 

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